Il était déjà une heure et demie du matin, et j'en étais à mon onzième verre de scotch. Bien sûr, l'alcool n'avais plus de prise sur moi, et ce depuis plus de soixante-dix ans. En fait, je commençais surtout à m'impatienter. J'étais là depuis vingt et une heure trente, accoudée au comptoir, à attendre qu'une proie se jette dans mes filets. Il y avait peu de monde, ce soir, au Last Round. D'habitude, je repartais facilement avec un homme costaud chlorophormé dans le ruelle derrière. En général, il suffisait que je me pointe avec mes riches vêtements pour accrocher le regard d'un voleur ou d'un mâle en mal de plaisirs charnels. Il me suffisait alors de sortir, suivie de l'homme qui se fiait trop à mon apparence frêle. Là, ma bouteille de chlorophorme et mon tampon d'ouate faisaient le reste.
Mais ce soir, personne digne d'intérêt. Mais bon, la nuit n'était pas finie et tout pouvait encore arriver avant le lever du jour. Je m'armai de ma patience et commandai un nouveau whisky.